jeudi 4 février 2016

Innovation: Quand l’Etat fait la guérilla

On l’utilise tant, qu’on peut imaginer ne pouvoir s’en passer pour trouver ce que l’on cherche sur l’océan de données qu’est le web : Google. Et pourtant, des alternatives existent à cette addiction. La Chine, marché pantagruélique de plus de 700 millions d’internautes est tenu fermement à 83% en matière de moteur de recherches par Baidu, le géant local. 

En Russie, l’entreprise de Larry Page (50,51%)  se partage le marché avec Yandex (41,7%), portail et moteur de recherche russe. Même aux Etats-Unis, Google (78%) partage le marché avec Yahoo (8%) et Bing de Microsoft (11%). En Europe, un jeune moteur de recherche lancé par une startup française en 2013 veut inquiéter l’ogre de la Silicon Valley. Il s’appelle Qwant. Il a les couleurs de son rival américain, mais s’en démarque par sa volonté de respecter la vie privée et sa neutralité. 

Son modèle économique, dont le substrat reste évidemment la monétisation de l’audience, se démarque du moteur de recherche de Alphabet Inc. La messagerie Gmail vous introduit dans l’univers Google à travers son réseau social Google+, sa messagerie instantanée Hangouts, son cloud Drive, la géolocalisation avec Maps et son navigateur Chrome épie vos habitudes sur le net et vous géo localise via votre adresse IP. Qwant surfe donc sur le mouchardage de son concurrent pour s’affirmer. Dans sa stratégie de croissance rapide, la startup qui veut détrôner Google en Europe a reçu 25 millions d’euros de la Banque européenne d’investissement en octobre 2015. Alors qu’elle amorce en 2016 la phase de monétisation de son audience (rentabilisation), Qwant cherche encore la même somme, soit 16,4 milliards de F CFA, afin de poursuivre sa croissance et manger les parts de marchés de son rival notamment dans les recherches en français, en allemand, en italien ou en espagnol. 
Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat au numérique du Gouvernement Valls en France, vient de donner un coup de pouce à cette jeune pousse ambitieuse, en installant ce moteur de recherche sur les ordinateurs du ministère français de l’Economie et des finances et en demandant aux fonctionnaires de l’utiliser plutôt que Google. Au Cameroun, des mesures de ce type peuvent être prises pour donner la préférence aux startups locales dans des domaines stratégiques. Ces startups en s’enracinant au Cameroun, pourraient conquérir l’immense marché nigérian, soit pour les deux pays, plus de 200 millions d’habitants. 
L’homme le plus riche d’Afrique, Dangote ne s’y est pas trompé : à court et moyen termes, pour sa croissance, le Nigéria et les pays voisins lui suffisent. En marketing, lorsqu’on a un concurrent trop fort, on l’attaque de côté, c’est-à-dire sur ses points faibles. Une forme de guérilla. C’est la stratégie de Qwant face à Google. Au Cameroun, des jeunes entrepreneurs méritent d’être soutenus par l’Etat, les institutions financières locales, pour que des startups brisent certains monopoles de notre marché.


Paco Baimdje
Paru dans Le Quotidien de l'Economie, Cameroun du 28 janvier 2016

mercredi 13 janvier 2016

Cameroun: 20 000 innovations ! Et nous ?

C’est la Mecque de la technologie et de l’innovation en général, le Consumer Electronic Show de Las Vegas (CES) à l’ouest des Etats-Unis. Ce salon international ouvert mercredi 6 janvier, est cette année, à sa 49ème édition. Il donne  à chaque fois, les grandes tendances des produits et usages des objets innovants du quotidien des consommateurs dans le monde. Cette année, ce n’est pas moins de 20 000 innovations qui sont annoncées, un record en près d’un demi-siècle d’existence pour l’évènement ! 


Ces innovations concernent, comme les années antérieures les objets connectées, de la maison au soutien-gorge en passant par la voiture, tout peut se contrôler en présentiel ou en distantiel par une surface connectée (smartphone, tablette, surface). La domotique (maison intelligente), mais aussi la « dronotique » avec ces petits avions qui du loisir pour la prise de vues aériennes, gagnent en autonomie de vol, en stabilité par période d’intempéries et bénéficient d’espèces de petites pistes d’atterrissage (drone port) directement sur une plate-forme installée au creux de la lunette arrière d’un véhicule signé BMW. Il y a de quoi avoir des étoiles dans les yeux, et sûr que certains Camerounais souhaiteraient posséder, ou profiter de ces innovations …créées par d’autres. 

Que faisons-nous nous-mêmes chez nous, pour encourager de jeunes ou des entreprises Camerounais à passer du stade des prototypes à la production à la chaîne pour bénéficier des facilités de produits et services innovants ? Organiser des concours, pour primer telle idée, plus ou moins lumineuse et utile, ou tout bonnement médiocre, en mettant en jeu quelques centaines de milliers de francs CFA…Ce n’est pas déjà si mal, encore qu’on puisse soupçonner les entreprises organisant de tels « challenges » de faire du brainstorming et de la « RD » à moindre frais afin de se tailler une boîte à idées gratuite qu’elles développeraient elles-mêmes en interne. Il faut sans doute aller plus loin : les jeunes entrepreneurs, les startups ont plus besoin de levées de fonds, d’investisseurs stratégiques locaux que de « concours ». Les « challenges » c’est toujours utile pour accélérer les idées, instiller l’émulation, mais ils sont encore plus efficaces et pragmatiques lorsqu’ils mettent en scène des entreprises opérationnelles et productives qui mettent en compétition non seulement leurs neurones, mais mieux encore, des produits et des services près à l’usage, comme au CES de Las Végas.


Paco Baimdje