mercredi 14 octobre 2015

Ma fille, tu ne seras pas médecin *



Le premier drone-port au monde, aéroport pour le petit objet volant sans pilote à bord qu’on appelle drone, sera construit à l’ouest du Rwanda, dans la petite ville de Kibuye, station balnéaire de la rive est du lac Kivu. Les premiers vols sont prévus pour 2016 ; les premières opérations commerciales en 2019, avec des drones-cargos de trois ou six mètres, qui pourront porter des colis de 10 à 100 kilogrammes. Lorsque les routes sont inexistantes ou impraticables, des zones inaccessibles, que des catastrophes naturelles surviennent, des situations d’urgence…le drone se révèle être la solution pour les pays en développement aux infrastructures de transport dérisoires.

Je suis un passionné de ces engins, parce qu’ils ressemblent au monde qui se transforme devant nous, et dont le Cameroun, malgré l’hermétisme du corps social aux changements innovants, ne peut échapper durablement. Le samedi 20 juin 2015, au petit matin, il pleut des cordes sur Douala, et vite, des pans de la ville sont sous des mètres d’eau. Comme à Makepé Mussoké, où des maisons et des rues sont sous l’eau de la rivière NKondi. Ce jour-là, un drone piloté par un jeune a décollé, et a pris des photos aériennes sous les regards médusés, impressionnés des badauds qui n’avaient plus d’yeux que pour l’engin à quatre rotors. Ce drone, un peu plus grand, aurait pu larguer des gilets de sauvetage ou des bouées à des familles prises au piège : un hélicoptère aurait pris cinquante fois plus de temps et de moyens pour se déployer sur la zone. Combien de centres de santé isolés dans nos campagnes, à Pouss à l’extrême nord ou Nkolmebanga dans le Centre pourraient recevoir du petit matériel de premier soin, des comprimés ou des injections, sans qu’un pick-up gourmand en carburant, avec un chauffeur et un agent, tous frais de mission en poche aux frais du contribuable ne prennent une journée à y arriver?


J’ai moi-même acquis un tout petit drone d’Espagne, juste pour voir de quoi peut être capable le petit objet volant et sa technologie. Surprise, le petit engin est puissant, et son cerveau (circuit de commande électronique/moteur) a la taille de la moitié d’une buchette d’allumettes. Ma fille souhaite devenir médecin, bien évidemment pour sauver des vies. J’ai envie de lui mettre dans la tête qu’elle devienne pilote de drones civils. A partir d’un poste de pilotage dans un bureau, ou de la valisette de pilotage à ciel ouvert, elle fera décoller, naviguer à basse altitude ces petits transporteurs qui sauverons des vies à des dizaines de kilomètres, bien plus qu’un médecin.

François BMG

*Billet hebdomadaire paraissant dans le cahier Sart-Up du jeudi dans Le Quotidien de l'Economie, Cameroun