jeudi 20 mars 2014

Le FMI déclare-t-il la guerre aux riches?

Le Fonds Monétaire International (FMI), dans sa récente note de politique générale extraite d’une étude (cliquer ici) sur la « politique budgétaire et l’inégalité des revenus » parue le 13 mars dernier, fait un tête-à-queue inattendu dans son erre de garant de l’orthodoxie d’un système économique capitaliste.

 L’institution estime qu’il faut une meilleure redistribution des profits du capitalisme, sinon, certains pays vont droit dans le mur. Droit dans le mur, c’est-à-dire à une baisse de la croissance, et pire, à des « distorsions » ; un joli euphémisme dans la bouche du Premier Directeur général adjoint du Fonds, David Lipton.

Le capitalisme, c’est la loi des marchés. C’était…avant la crise de 2007 et le Krash boursier, et son onde de choc dans l’économie réelle marquée par la récession, la perte des « triples A » en cascade par des membres du G8 et de l’Union Européenne.

On a tiré des leçons, et on peut comprendre que le FMI rétropédale aujourd’hui, en remettant au centre des enjeux de croissance, une nécessité de moralisation de la finance, avec dans le rôle d’arbitre-joueur, l’Etat.

Il va plus loin : l’Etat ne doit plus être seulement le gendarme, il devra être aussi « un peu beaucoup » la Providence. C’est lui qui doit orchestrer la redistribution des revenus, et non plus le marché uniquement. A travers la politique budgétaire, mais également des interventions dans les secteurs comme l’éducation, la santé, les infrastructures, afin de lénifier les effets pervers de la concentration croissantes des revenus entre les mains des classes supérieures.

Contrairement au Japon et à l’Europe continentale, l’institution constate qu’aux Etats-Unis et en Afrique du Sud, les parts de 1% des plus riches ont augmenté de manière fulgurante en une ou deux décennies. Pire, dans les pays en développement (comme le Cameroun), 40% des plus pauvres bénéficient de moins de 20% des dépenses en protection sociale. Cette analyse est conforme à celle sur le relatif profit des couches sociales pauvres sur les subventions aux hydrocarbures qu’accordent certains pays en développement comme le Cameroun. Traduction, les riches s’enrichissent d’avantage et se servent en plus dans les assiettes des plus pauvres. Il faut donc, dans ces pays en développement, comme c’est déjà le cas dans les pays riches, mettre en place un système de taxation des revenus progressif, touchant aux revenus supérieurs (impôt sur la fortune), et estime que les taxes sur la consommation comme la TVA sont moins efficaces que les impôts directs.

Le FMI ne renie pas pour autant son ADN capitaliste, « le travail de redistribution du revenu doit s’appuyer sur des instruments budgétaires capables d’atteindre les objectifs de répartition tout en pénalisant le moins possible l’efficience économique. »  Il ne faut pas que l’Etat étouffe trop le marché. Parce que l’institution de Bretton Woods souhaite garder la main dans la modélisation des camisoles de force  à « proposer » aux Etats, surtout ceux en développement : « En matière de redistribution budgétaire, le choix des modalités a son importance » souligne en effet son Premier Directeur général adjoint David Lipton.

D’après l’étude (cliquer ici) sur la « politique budgétaire et l’inégalité des revenus », il y a quatre éléments à prendre en compte par les Etats pour élaborer des politiques budgétaires redistributives efficientes : le cadrage de la politique avec les objectifs de stabilité macroéconomique du pays. L’institution demande de mettre en balance les avantages d’un surcroît de dépenses de redistribution et ceux d’une augmentation des investissements dans d’autres domaines prioritaires, tels que les infrastructures. Deuxième élément, l’évaluation conjointe des dépenses et des impôts. A titre d’exemple, une hausse des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), servant à financer une augmentation des dépenses d’éducation primaire, pourrait en définitive avoir un effet progressif. Troisième élément à prendre en compte, concilier objectifs de redistribution et efficience économique. Enfin, il faut tenir compte des capacités administratives (gouvernance).

Qu’est-ce que « l’efficience économique » sinon finalement le marché. Difficile dans ces circonstances de taxer les riches, et de leur demander d’investir davantage localement. Même la France l’a senti passer. Au Cameroun, une levée de la subvention sur le carburant, comme le prescrit le Fonds, même pour son réinvestissement (redistribution) dans des infrastructures ou des prestations sociales, contribuerait-elle à limiter les inégalités ? On n’est pas sorti de l’auberge.


François Bimogo