Le Fonds Monétaire International
(FMI), dans sa récente note de politique générale extraite d’une étude (cliquer ici) sur la « politique
budgétaire et l’inégalité des revenus » parue le 13 mars dernier, fait un
tête-à-queue inattendu dans son erre de garant de l’orthodoxie d’un système
économique capitaliste.

Le capitalisme, c’est la loi des
marchés. C’était…avant la crise de 2007 et le Krash boursier, et son onde de
choc dans l’économie réelle marquée par la récession, la perte des « triples
A » en cascade par des membres du G8 et de l’Union Européenne.
On a tiré des leçons, et on peut
comprendre que le FMI rétropédale aujourd’hui, en remettant au centre des enjeux
de croissance, une nécessité de moralisation de la finance, avec dans le rôle d’arbitre-joueur,
l’Etat.
Il va plus loin : l’Etat ne
doit plus être seulement le gendarme, il devra être aussi « un peu
beaucoup » la Providence. C’est lui qui doit orchestrer la redistribution
des revenus, et non plus le marché uniquement. A travers la politique
budgétaire, mais également des interventions dans les secteurs comme l’éducation,
la santé, les infrastructures, afin de lénifier les effets pervers de la
concentration croissantes des revenus entre les mains des classes supérieures.
Contrairement au Japon et à l’Europe
continentale, l’institution constate qu’aux Etats-Unis et en Afrique du Sud,
les parts de 1% des plus riches ont augmenté de manière fulgurante en une ou
deux décennies. Pire, dans les pays en développement (comme le Cameroun), 40%
des plus pauvres bénéficient de moins de 20% des dépenses en protection
sociale. Cette analyse est conforme à celle sur le relatif profit des couches
sociales pauvres sur les subventions aux hydrocarbures qu’accordent certains
pays en développement comme le Cameroun. Traduction, les riches s’enrichissent
d’avantage et se servent en plus dans les assiettes des plus pauvres. Il faut
donc, dans ces pays en développement, comme c’est déjà le cas dans les pays
riches, mettre en place un système de taxation des revenus progressif, touchant
aux revenus supérieurs (impôt sur la fortune), et estime que les taxes sur la
consommation comme la TVA sont moins efficaces que les impôts directs.
Le FMI ne renie pas pour autant son
ADN capitaliste, « le travail de
redistribution du revenu doit s’appuyer sur des instruments budgétaires
capables d’atteindre les objectifs de répartition tout en pénalisant le moins
possible l’efficience économique. » Il ne faut pas que l’Etat étouffe trop le
marché. Parce que l’institution de Bretton Woods souhaite garder la main dans
la modélisation des camisoles de force à
« proposer » aux Etats, surtout ceux en développement : « En
matière de redistribution budgétaire, le choix des modalités a son importance »
souligne en effet son Premier Directeur général adjoint David Lipton.
D’après l’étude (cliquer ici) sur la « politique
budgétaire et l’inégalité des revenus », il y a quatre éléments à prendre
en compte par les Etats pour élaborer des politiques budgétaires
redistributives efficientes : le cadrage de la politique avec les
objectifs de stabilité macroéconomique du pays. L’institution demande de mettre en balance les avantages d’un surcroît de dépenses de
redistribution et ceux d’une augmentation des investissements dans d’autres domaines
prioritaires, tels que les infrastructures. Deuxième élément, l’évaluation
conjointe des dépenses et des impôts. A titre d’exemple, une hausse des
recettes de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), servant à financer une
augmentation des dépenses d’éducation primaire, pourrait en définitive avoir un
effet progressif. Troisième élément à prendre en compte, concilier objectifs de redistribution et efficience économique. Enfin, il faut tenir compte des
capacités administratives (gouvernance).
Qu’est-ce que « l’efficience
économique » sinon finalement le marché. Difficile dans ces circonstances
de taxer les riches, et de leur demander d’investir davantage localement. Même
la France l’a senti passer. Au Cameroun, une levée de la subvention sur le
carburant, comme le prescrit le Fonds, même pour son réinvestissement
(redistribution) dans des infrastructures ou des prestations sociales,
contribuerait-elle à limiter les inégalités ? On n’est pas sorti de l’auberge.
François Bimogo