mercredi 6 novembre 2013

APE : Le Cameroun signera, mais…
L’Accord de Partenariat Economique  (APE) est une nouvelle vision des liens économiques entre l’Union Européenne (UE) et les 79 pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Cette vision tire les leçons des Accords de Cotonou (2000) qui permettaient l’accès préférentiel des produits Africains en Union Européenne. Les pays ACP n’en n’ont pas visiblement tiré profit d’autant qu’au cours de la période, les exportations de ces pays ont décru de 7 à 3 %.

Les APE se négocient entre l’Union Européenne et les Communautés économiques régionales (CER) des ACP. En Afrique centrale, c’est avec la CER qu’est la CEMAC que l’UE négocie. Au regard des points de désaccord, notamment sur le pourcentage d’ouverture des marchés de l’Afrique centrale, l’UE a un paraphe d’APE intérimaire avec le Cameroun depuis 2007, accord signé en 2009 et en attente de ratification. C’est  sur cette ratification (comme tout accord international signé par le Cameroun) avant 2014  que l’UE presse le Cameroun sous la menace de lui appliquer le Système de préférences  Généralisées (SPG) qui défavoriserait spécialement les exportations de la banane Camerounaise vers l’Europe, en la mettant en concurrence rude avec la « banane dollar » sud-américaine. Cette banane est
plus compétitive qu’une banane camerounaise payant les droits d’entrée dans les marchés de l’UE. 

L’idée derrière les APE est donc que l’ouverture unilatérale du marché Européen aux Africains et Caribéens ne leur à pas permis d’accroître les échanges commerciaux ; la fin de ce régime de « faveurs » est supposé les rendre plus compétitifs. La rigueur, ou plus précisément la réciprocité commerciale, conforme par ailleurs aux règles libérales de l’OMC peut en effet donner de l’appétence à la compétence et donc à la compétition dans les pays d’Afrique, mais il ne faut pas s’illusionner : cesser de donner du poisson à quelqu’un qui a faim pour lui demander de pêcher (faire le commerce international) lui-même est judicieux, à condition que l’individu concerné sache pêcher (faire le commerce international). Ce qui n’est pas le cas (encore) pour un pays comme le Cameroun, et c’est ces insuffisances de l’économie et des industries des biens et services du Cameroun qui épouvantent l’opinion publique, ou plus exactement quelques observateurs avisés. Malgré en effet les mesures « compensatoires » accordées par l’APE intérimaire du Cameroun (exclusion de certains produits agricoles ou transformés, moratoire dans l’exécution de l’accord, Fonds compensatoires, ouverture à 80% du marché Camerounais…), le Cameroun verra ses recettes douanières s’éroder considérablement. L’Etat perdra là de substantiels moyens d’intervention en appui à ses options de développement. 

A l’inverse, les produits Camerounais auront du mal à entrer en Europe, à cause d’un faisceau obstacles techniques au commerce (OTC). Dans les OTC, on intègre le non respect des normes et des standards européens, le passage à la trappe des mesures SPS (sanitaires et phytosanitaires). Les domaines où pourraient nicher l’expertise et l’excellence camerounaises (avantages comparatifs) comme les aliments spécialisés, l’artisanat, la décoration sont peu industrialisés, normés, standardisés, avec des coûts  de production élevés pour une production erratique. Le poivre de Penja par exemple, malgré son label, et sa qualité unique au monde,  pourrait être refoulé du marché européen à cause d’une quantité maximale d’un métal, d’un insecticide, d’un emballage contaminant…   Pour emprunter une image au football, c’est un peu comme si une équipe entrait dans un terrain sans gardien de buts, mais surtout sans buteur. Le ballon va circuler sur le terrain, mais les buts entreront dans un sens unique.

Il y a enfin un danger à l’ APE, c’est l’effet de « détournement de trafic régional » qu’il peut induire pour les échanges en zone Cemac dont le Cameroun est le principal exportateurs de biens de consommation. Des initiatives parallèles comme le Nepad ou l’Agoa qui misent sur la densification des échanges intra-régionaux avant l’abord de grands marchés (américain pour l’Agoa) pourraient être en bute aux revers structurels de l’ APE intérimaire du Cameroun.

Malgré son caractère léonin de fait, au-delà de la bonne volonté de l’Union Européenne à en minimiser les impacts, le Cameroun ratifiera probablement son APE intérimaire. Il n’en peut mais. Economiquement à cause de la banane camerounaise qui est sa production agricole la plus importante en valeur à l’export, et l’une des plus importantes en tonnage (près de 1 400 000 tonnes en 2011). Politiquement parce que l’APE intérimaire est un processus politique qui date de depuis 2007. En prenant l’engagement politique de parapher cet accord il y a six ans, sans attendre les autres pays de l’Afrique centrale, le Cameroun a lancé le compte-à-rebours d’une signature… inéluctable.

François Bimogo

Expert en chaînes de valeur agricoles et commerce international

jeudi 31 octobre 2013

Diplomatie : La femme la plus puissante du monde serait-elle nue ?

Comme ça la femme la plus puissante du monde serait nue ? La faute à qui, à …l’homme le plus puissant du monde ! 

C’est l’histoire de Barack, et de Angela, celle de deux pays réputés pour leur soda pour l’un, et l’autre pour sa bière.  Mais le brandon de discorde sous le ciel azuré de cette fin du mois d’octobre entre les deux pays tient à un téléphone, le téléphone de Angela Merkel, qui selon les révélations de l’ancien analyste informatique des services secrets américains (Nsa) Edward Snowden, aurait été mis sous écoute. Ce n’est pourtant pas n’importe quel téléphone, le téléphone de Angela, depuis 2009, son téléphone a des accessoires de cryptage de ses appels, sms et e-mails. Et pourtant…

En clair, à la fois la vie privée, et la vie publique de la femme la plus puissante du monde auraient été observées, plus exactement, violées. Barack Obama, le Président américain qui a reçu une demande d’explication le même jour de cette révélation par la presse allemande (20 octobre) a fait dire que les Etats-Unis « ne surveillaient pas » et ne « surveilleraient » pas les communications d’Angela Merkel. En langage pas diplomatique, et chez nous les cultivateurs de cacao, cela veut dire : « hum…bon, Angela, c’est vrai qu’on a écouté ton téléphone, et lu des sms et mails à un moment, mais depuis que Edward nous a trahi qu’on guettaient à travers les portes des chambres des gens dans le monde, nous on n’a seulement arrêté pour ‘nous quitter derrière les problèmes ‘»[1].

Nous en République Cacaoyère, on sait que le téléphone pour une femme, qu’elle soit première ou dernière dame, qu’elle soit buveuse de champagne ou buveuse de vin de palme, ça sert à dire ce qu’on ne dit pas, ça sert aussi à appeler les amies pour faire le « Kongossa »[2].  Réussir à entrer dans le téléphone d’une femme, notamment d’une cultivatrice de cacao, c’est exactement la mettre à poil. Bon, c’est vrai que Angela elle, elle ne porte que les pantalons, ne sourit jamais et a toujours les cheveux courts, et même si elle est entourée de jeunes, brillants et beaux conseillers, ses plus proches collaborateurs (chef de cabinet et conseiller en communication) sont des femmes. Elle n’est pas Hillary Clinton non plus… qui souriait (seulement) à sa jeune assistante.

C’est pas bien grave pour Angela, à part les dossiers économiques et politiques internationaux, côté jardin, elle n’a rien à cacher la chancelière allemande. On sait qu’Angela a divorcé au bout de 5 ans de mariage, ce qui ne l’a pas empêché de garder le nom de son ex mari Ulrich Merkel. Remariée depuis 1998 à un professeur de chimie Joachim Sauer, elle n’a pas d’enfant et apprécie chez les hommes leur yeux et leur voix grave. Qu’est-ce que la femme la plus puissante du monde fait le lundi matin quand elle se réveille ? Angela dit qu’elle se lève de son lit…comme toutes les femmes qui ont un lit. Donc, rien à cacher chez cette « Dorothée » (don de Dieu en grec), doublée d’un ange (Angela).

Maintenant, chère Angela, on connait qu’en matière d’électronique et d’automobile, rien à redire sur vous les Allemandes, on connait la « deutsche qualitat ». Mais nous en République Cacaoyère, on n’utilise pas l’électronique et les nouvelles technologies dans les affaires politiques. On ne vote pas sur les ordinateurs à l’Assemblée Nationale, on vote avec des boules de papiers ou à la main levée, et on compte. C’est vrai que les Chinois sont venus offrir des ordinateurs au Secrétariat général de notre Assemblée nationale, et on était tous contents…Qui sait si les Chinois n’ont pas des chevaux de troie à distance dans notre Assemblée nationale.

Quand le Président veut parler des choses sérieuses à ses ministres, il les invite sous l’arbre à palabre dan son village. « Impiratable », surtout avec les oiseaux qui chantent et brouillent les conversations. Même les Russes nous imitent, ils sont revenus à la machine à taper (celle qui fait tschak-tschack !) pour leurs affaires sensibles, plus d’ordinateurs ! François Hollande, a aussi demandé à ses ministres et hauts fonctionnaires de ne plus utiliser leurs smartphones et tablettes pour envoyer des informations sensibles, tous doivent se mettre aux téléphones cryptés, au bouche à oreille ou… revenir prendre des cours de formation en battement de tam-tam chez nous en République Cacaoyère. Voilà aussi notre « deuche qualichate ».

François Bimogo



"La Chronique décalée de François " #15*
Un regard impertinent sur l'actualité socio-politique et culturelle du Cameroun et de l'Afrique. Histoires de Républiques Cacaoyères et de République Charcutière. Pour écouter ces chroniques, comme leur auteur, François Bimogo, il faut adorer les Républiques Cacaoyères.


[1] Expression populaire camerounaise, Lire « pour que nous évitions d’avoir des problèmes »
[2] Expression véhiculaire camerounaise qui signifie « commérage »